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21 mars 2020

#LLDDF : Conspiracy Watch, Check News et les Décodeurs, les Folamour des vérités illusoires ou le confinement de l'objectivité et de la déontologie.


Si les physiciens et les biologistes avaient conscience de leur fantasme réductionniste, à vouloir et à rechercher une explication  élémentaire et simple, il n'en était pas de même pour les journalistes et leurs apparentés. L'histoire de la Physique et de la Biologie avait montré qu'en fonction des situations, certains cadres conceptuels étaient plus pertinents que d'autres, permettaient une meilleure approche et compréhension du réel, faisaient que la vérité sans être connue était bien dans la ligne de mire. 
Ainsi, les physiciens disposaient des théories de la physique générale, relative et restreinte, de la thermodynamique ou de la physique quantique suivant l'objet à étudier, les prévisions à établir, les modélisations à valider dans le calcul des trajectoires des individus et des effets de masse quand s'opérait un changement de niveau avec une étude phénoménale et non plus individuelle.
Ainsi, les biologistes dans le cadre d'avis à donner sur une épidémie pouvaient expliquer les différences entre une stratégie visant une immunité collective nécessitant la contamination du plus grand nombre ou une stratégie d'endiguement par un confinement des personnes affectées. De même, les biologistes proposaient une série de traitements en indiquant les effets indésirables potentiels permettant ainsi aux décideurs politiques en fonction de la balance bénéfice / risque de faire un choix éclairé.
Or, entre le langage et la pensée des scientifiques et celles des journalistes et leurs apparentés, il y avait un changement de cadre déjà linguistique, un changement du régime de vérité.

Avec l'énoncé « Il fait beau », il s'agissait alors de vérifier, d'évaluer la véracité de cette proposition. Cet énoncé avait-il été prononcé de manière ironique, ce qui signifierait alors qu'il ne faisait pas beau. L'évaluation d'un beau temps faisait-elle référence aux normes admises par un inuit ou par un tahitien ? Ainsi, avec la simplicité élémentaire de ce simple énoncé « Il fait beau », il fallait passer par un raisonnement complexe pour en déterminer la vérité objective et subjective, pour réaliser ce qui relèvait du descriptif, du factuel mais aussi du désirable et du préférable, de l'autorisé et de l'interdit.« Il fait beau » pour un inuit n'était pas le « Il fait beau » d'un tahitien. Dans ce simple énoncé, les faits et la valeur étaient confondus, comment alors affirmer ce qui était vrai ?

Quand Les Décodeurs décidaient que la vidéo d'un épidémiologiste sur le Covid-19 était une fake news, une infox, qu'elle était fausse, qu'ils la faisaient interdire sur Facebook en leur qualité de commissaires de la vérité alors que cet épidémiologiste était l'un des spécialistes des coronavirus, sur quoi se basaient-ils et quelle légitimité avaient-ils ? Quand cet épidémiologiste était nommé au Conseil Scientifique, pourquoi ne publiaient-ils pas un démenti ? Était-ce la publication d'un stagiaire ?

Quand Conspiracy Watch faisait un n-ième article sur le prétendu complotisme des français notamment de la France Insoumise et du Rassemblement National et leur cible habituelle Les Gilets Jaunes qu'ils aimaient haïr et salir à chaque occasion car ces derniers étaient persuadés que le gouvernement d’Édouard Philippe leur cachait des choses sur le Covid-19 et qu'Agnès Buzyn, ex Ministre de la Santé confirmait que le gouvernement avait menti aux français, ils ne publiaient jamais de Mea Culpa ni de démenti, ils continuaient de publier leurs accusations. Les seules questions qui se posaient pour les membres de Conspiracy Watch étaient le niveau de leur déontologie et de leur régime de vérité. A accuser les autres de complotisme ou de conspirationnisme  sans avoir eux-mêmes aucune éthique, ils ne faisaient qu'alimenter l'idée de conspiration tant ils étaient incapables de prouver, de mettre à l'épreuve leurs accusations reposant sur leur représentation du monde des autres, d'établir une évaluation scientifique et contextuelle de leurs affirmations.

Quand Check News décidait de faire un article pour dédouaner l'Imam de Brest, ce chef religieux qui expliquait que la musique transformait les enfants en singes ou donnait ses recommandations en matière de lutte contre le Coronavirus, les journalistes de Check News décidaient de donner de la visibilité à la parole religieuse d'un orthodoxe plutôt que de mettre en lumière des scientifiques. Ils amenaient leurs lecteurs à continuer d'écouter des religieux pour lutter contre une épidémie, à faire croire que trois prières par jour permettaient de ne pas avoir le Covid-19. Les fact-checkers au service des obscurantismes.



Si l'objectif de ces trois sites était le rationalisme et l'objectivité et non la publication de leur subjectivité et de leur déontique, ils auraient commencé par étudier que l'intolérance dont ils faisaient preuve tenait fréquemment du fait qu'ils n'aimaient pas l'idée de l'autre, qu'ils ne faisaient pas la promotion de la vérité mais d'un monde qui leur serait préférable et désirable.

Si la stratégie d'une immunité de groupe semblait la meilleure du point de vue du biologiste, ce n'était pas pour autant qu'elle était la meilleure. Car le choix de cette stratégie nécessitait des infrastructures de santé permettant la prise en charge des malades quels qu'ils soient et non en fonction d'un critère d'âge comme c'était le cas actuellement en Italie comme dans l'Est de la France. Que pouvait penser une société d'elle-même sur son degré de civilisation si elle décidait que les plus de 65 ans devaient mourir pour sauver les autres ? Ces fameux 65 ans qui venaient d'arriver à la retraite et qu'on expédiait dans le cercueil. Les économistes du système des retraites trouveraient cette mesure économiquement intéressante mais les autres ?

Si le seul enjeu des Décodeurs, des Check News et de Conspiracy Watch était de faire accepter un choix conceptuel, un cadre de pensée, comme celui tantôt de l'économiste, tantôt du biologiste pour expliquer que le politique avait pris les meilleures décisions, il fallait le préciser d'emblée et cesser ces enfantillages philosophiques au nom de la vérité prétendue.

Exigeons l'impossible, demandons le réel.

Le devoir politique impliquait le pouvoir. Si les Décodeurs, Check News et Conspiracy Watch ne pouvaient expliciter le régime de vérité sur lequel ils s'appuyaient pour déterminer le vrai du faux, le supposé vrai ou faux alors ils ne devaient pas le faire car avec des prémisses, des supposés non normatifs, il était impossible d'obtenir des énoncés et des conclusions normatives et de participer ainsi à la recherche de la vérité. Un choix éthique.

Si l'appel aux valeurs morales parce que positives comme l'honnêteté, l'intégrité physique ou l'autonomie (capacité à décider à distinguer de l'indépendance, capacité à faire) et le rejet des valeurs négatives comme la violence, la cruauté, la souffrance ou l'humiliation n'étaient là que pour légitimer  des décisions inconséquentes du politique alors les droits humains fondamentaux n'existaient plus. Nous arrivions à une contradiction des Folamour du fact-checking qui avec leur avis partial sur une vue partielle du monde participaient à sa destruction et non à sa reconstruction. C'était un choix, il fallait l'assumer après et non se défausser par de l'ironie ou des attaques Ad Hominem ou Ad Personam.

Cette trahison de ces journalistes et apparentés qui se considèraient comme des clercs de la vérité malgré leurs aveuglements si visibles et malgré l'étroitesse de leur point de vue montraient davantage leur trahison des sentiments à tomber dans tous les pièges du langage « Il fait beau ».

Les faux dualismes entretenus par Conspiracy Watch, Check News et Les Décodeurs, entre vérité journalistique, vérité scientifique, vérité littéraire ou artistique et vérité religieuse participaient à ce brouillard informationnel, à cette surcharge cognitive et communicationnelle, à ce mille-feuille des illusions. 

Si le simple s'obtenait par une cascade de modèles complexes, fallait-il les maîtriser et en admettre les limites. L'art de juger, nécessitait la maîtrise du sensible et de ses vérités affiliées, qui s'exprimait par l'art d'aimer et non de haïr l'autre. Construire inlassablement la raison nécessitait un travail critique de son propre travail. Comprendre ce qui se jouait dans l'espace des raisons avec ces rapports entre la raison et ses raisons exigeait encore d'être honnête sur les raisons de croire et les raisons d'agir mais sans éthique de la connaissance comme de la croyance, les Folamour des vérités illusoires ne participaient qu'à confiner l'objectivité et la déontologie et contribuaient du haut de leur ignorance arrogante à plus de lapidations médiatiques. Une charia journalistique et de l'ordre moral indistinguables des recommandations d'un théologien sectaire, peu importe la croyance religieuse.



Dès l’âge de douze ans, Marc revêtit le manteau philosophique, apprit à coucher sur la dure et à pratiquer toutes les austérités de l’ascétisme stoïcien. Il fallut les instances de sa mère pour le décider à étendre quelques peaux sur sa couche. Sa santé fut plus d’une fois compromise par cet excès de rigueur. Cela ne l’empêchait pas de présider aux fêtes, de remplir ses devoirs de prince de la jeunesse avec cet air affable qui était chez lui le résultat du plus haut détachement. Ses heures étaient coupées comme celles d’un religieux. Malgré sa frêle santé, il put, grâce à la sobriété de son régime et à la règle de ses mœurs, mener une vie de travail et de fatigue. Il n’avait pas ce qu’on appelle de l’esprit, et il eut très peu de passions. L’esprit va bien rarement sans quelque malignité ; il habitue à prendre les choses par des tours qui ne sont ceux ni de la parfaite bonté ni du génie. Marc ne comprit parfaitement que le devoir. Ce qui lui manqua, ce fut, à sa naissance, le baiser d’une fée, une chose très philosophique à sa manière, je veux dire l’art de céder à la nature, la gaieté, qui apprend que l'abstine et sustine n’est pas tout et que la vie doit aussi pouvoir se résumer en sourire et jouir
Ernest Renan, Marc Aurèle et la fin du Monde antique

Les épisodes précédents :


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